Eau virtuelle : définition et exemples de consommation

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eau virtuelle

Pour mesurer la quantité d'eau que consommée au quotidien, il est impossible de ne pas parler du concept d'eau virtuelle. L'eau ne sert pas uniquement à la boisson, l'hygiène et le nettoyage. En fait, elle est indispensable à la production de tout bien et service que l'on consomme ou utilise. Est appelé eau virtuelle, l'ensemble des consommations d'eau nécessaires à la production d'un produit agricole ou industriel. On la qualifie de virtuelle, car elle n'est pas toujours visible dans le produit final, et pourtant, cette eau invisible est celle que l'on consomme le plus.

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💦 Qu'est-ce que l'eau virtuelle ?

Pour mesurer correctement la consommation d'eau d'une personne ou d'une nation, il faut comptabiliser l'eau utilisée dans toutes les étapes de production. Par exemple, en buvant une tasse de café de 125ml, ce que vous consommez réellement, ce sont les 140 litres d'eau nécessaires pour cultiver, récolter, transformer, emballer et transporter les graines de café. C'est toute cette eau invisible et dont on n'a pas toujours conscience que l'on qualifie d'eau virtuelle.

Par définition, l'eau virtuelle désigne la quantité d'eau nécessaire à une production agricole ou industrielle, ou à un service. C'est une eau que l'on ne consomme donc pas forcément de manière directe, mais qui fait bien partie de nos consommations quotidiennes, et surtout dans notre alimentation.

Selon une étude du scientifique Anthony Turton, si l'humain a besoin de boire environ 2 à 5 litres d'eau par jour et consomme 25 à 100 litres d'eau pour ses usages domestiques, ce sont 1 000 à 6 000 litres d'eau par jour qu'ils consomment pour se nourrir. L'eau virtuelle des aliments est donc de 37 à 57 fois plus importante que la part d'eau visible.

Anthony TurtonWater Wars: Enduring Myth Or Impending Reality - 2000

Calculer sa consommation d'eau virtuelle aide à développer une conscience de l'importance des enjeux de l'eau pour l'environnement et la société. C'est aussi un concept utilisé pour équilibrer les ressources en eau dans le monde. Cette notion a été inventée dans les années 90 par le géographe John Antony Allan (parfois connu sous Tony Allan) du King’s College de Londres. C'est après avoir pris conscience que l'importation de la ressource en eau sous forme de produits pourrait être un moyen efficace d'éviter une "guerre de l'eau" que l'idée d'eau virtuelle est donc apparue. Comme il est impossible d'exporter de l'eau sous sa forme liquide, l'idée est que les pays riches en eau exportent les produits à forte intensité d'eau dans des pays où la ressource se fait rare. Il y a donc un véritable commerce autour de l'eau virtuelle, avec de réels enjeux économiques et environnementaux.

📊 Ordres de grandeur d'utilisation de l'eau virtuelle

La majorité des consommateurs sont conscients de la quantité d'eau qu'ils utilisent pour leurs besoins domestiques. L'eau virtuelle, en revanche, est un concept beaucoup plus abstrait et auquel il n'est pas évident de porter attention. Et pourtant, comme expliqué plus haut, c'est cette eau invisible que l'on consomme majoritairement.

La création du concept d'eau virtuelle a permis de quantifier la consommation d'eau réelle pour la production d'un bien ou d'un service donné. Cela permet, d'une part, d'éveiller les consciences afin de limiter les gaspillages de l'eau, et de l'autre, de favoriser le commerce de l'eau et les échanges économiques entre pays riches et pauvres en eau.

L'agriculture est le secteur le plus aquavore. Selon Consoglobe, 70 % de l'eau mondiale est consacrée aux produits agricoles. Pour illustrer cela, le tableau ci-dessous montre la consommation d'eau virtuelle de certains aliments :

Consommation d'eau virtuelle des produits agricoles
Produit Quantité Consommation d'eau virtuelle
Viande de boeuf 1 kg 15 400 litres
Viande de mouton 1 kg 10 400 litres
Viande de porc 1 kg 5 990 litres
Oeufs 1 kg 3 300 litres
Cacahuètes 1 kg 2 780 litres
Pâtes 1 kg 1 827 litres
Riz 1 kg 1 670 litres
Lait 1 L 1 020 litres
Bière 1 L 298 litres
Patates 1 kg 290 litres
Café 125 ml 140 litres
Bananes 200 g 160 litres

Source : waterfootprint.org

💡 Equilibrer son alimentation pour réduire sa consommation d'eau virtuelle

Réduire sa consommation d'eau virtuelle passe forcément par un équilibre de son alimentation, vu l'importante quantité d'eau nécessaire à la production de ses aliments. En effet, la quantité d'eau consommée par chaque individu variera selon le mode de consommation de ce dernier. La consommation de boeuf nécessite 10 fois plus d'eau que la consommation d'un poids équivalent de blé. Ainsi, on constate par exemple que le régime alimentaire moyen aux États-Unis représente une consommation de 5.4 m3 d’eau par personne par jour, contre 2.6 m3 d’eau par personne par jour pour un régime végétarien (Source : Renault et Wallendee - Nutritional Water Productivity and Diets - 2000).

💰 L'eau virtuelle au coeur des échanges internationaux

Les échanges d'eau virtuelle ont pour objectif d'éviter les conflits autour de l'or bleu, causés par les inégalités dans la répartition de l'eau douce sur la planète. Selon les données de Planetoscope, ce sont 2.320 milliards de m3 d'eau virtuelle qui traversent les frontières chaque année. Cela représente pas moins de 73,5 millions de litres d'eau virtuelle exportée et importée chaque seconde via les échanges internationaux.

Environ 1/5ème de l’eau consommée dans le monde est virtuelle. Il s’agit d’eau échangée entre pays sous forme de produits agricoles ou industriels.

Le centre d'information sur l'eau (Cieau)

L'intérêt du commerce de l'eau virtuelle

Le commerce de l'eau virtuelle est vu comme une solution pour les pays en situation de pénurie d'eau. L'importation de denrées agricoles dont la production aurait nécessité une importante quantité d'eau permettrait à ces pays de contrer leur déficit en eau tout en garantissant une sécurité alimentaire à leur population. Concrètement, pour un pays en manque d'eau, il est plus facile d'importer une tonne de céréales que de se procurer les 1 000 m3 d'eau nécessaires à leur production.

Les échanges internationaux d'eau permettraient donc de pallier à la répartition inégale de la ressource dans le monde, de prévenir les guerres de l'eau et de faire face à la crise de l'eau qui menace de plus en plus de pays.

Ce n'est pas tout. De nombreux chercheurs ont aussi vu dans les échanges d'eau virtuelle une solution pour réaliser des économies d'eau à l'échelle globale, en produisant les aliments à forte intensité d'eau uniquement dans les endroits où l'eau est abondante par exemple (selon les recherches de Hoekstra et Hung, 2005).

Les plus gros exportateurs d'eau virtuelle

Sans surprise, les produits agricoles représentent la plus grande part des produits exportés et importés dans ce commerce. 67 % du commerce de l'eau concerne l'agriculture selon l'UNESCO (les céréales étant les produits les plus échangés), contre 23 % pour l'élevage et 10 % pour les produits industriels.

Comme dans tout échange international, on distingue les exportateurs et les importateurs d'eau virtuelle. Sur la période de 1995-1999, les 5 premiers exportateurs d'eau virtuelle étaient :

  • Les États-Unis : plus de 758 Gm³ d'eau virtuelle exportée ;
  • Le Canada ;
  • La Thaïlande ;
  • L'Argentine ;
  • L'Inde.

À l'inverse, les plus gros importateurs sur la même période sont le Sri Lanka, le Japon, Les Pays-Bas, la Corée du Sud, et la Chine. Dans la région méditérranéenne, depuis 1990, quasiment tous les pays sont importateurs d'eau virtuelle. Sur la période de 2000 à 2004, la France fait partie des deux seuls pays exportateurs nets d'eau virtuelle, avec la Serbie-Monténégro. Mais ces tendances ne cessent d'évoluer. L'Inde, qui faisait partie des plus gros exportateurs, connaît plus tard de grandes pénuries d'eau.

Le commerce de l'eau virtuelle, efficace mais insuffisant ?

Si le commerce de l'eau virtuelle peut résoudre de nombreuses problématiques socio-économiques, son efficacité est encore à prouver dans la mesure où il est très peu utilisé aujourd'hui. Le caractère importateur ou exportateur d'un pays n'est pas un indicateur de la quantité d'eau dont ce pays dispose réellement. En réalité, les importations et exportations de produits agricoles sont très rarement motivées par la rareté de l'eau.

Si l'on prend l'exemple des États-Unis, même s'ils possèdent des ressources abondantes, on constate que ses exportations ne sont pas réparties sur l'ensemble du territoire. La majorité des recettes d'exportation de céréales du pays est concentrée dans les États de l'Ogallala, car l'agriculture y est fortement subventionnée par le gouvernement et les accords commerciaux, largement facilités.

Une étude réalisée en 2004 par Charlotte De Fraiture (professeure à l'IHE Delft Institute for Water Education) indique même que la majorité des échanges agricoles ont aujourd'hui lieu entre des pays où l'eau est abondante.

En 1995, seulement 23 % du commerce de céréales se produisaient de pays abondants en eau vers des pays en pénurie.

Etudes de Charlotte De Fraiture

🔎 L'eau virtuelle : questions fréquentes

Quelle différence entre l'eau virtuelle et l'empreinte eau ?

L'empreinte eau est un concept qui a suivi celui de l'eau virtuelle. C'est un concept mis au point par le professeur Arjen Y. Hoekstra en 2002 pour l'Unesco. Les deux termes se rejoignent dans le sens où leur objectif est de quantifier la consommation d'eau invisible d'un produit ou d'un service. La différence est que l'eau virtuelle permet de comprendre la quantité totale d'eau utilisée pour la production d'un bien ou d'un service, tandis que l'empreinte eau sert à mesurer l'usage direct et indirect de l'eau.

En d'autres mots, l'empreinte eau sert à mesurer à la fois la consommation d'eau directement utilisée par les habitants ainsi que leur consommation d'eau virtuelle. On peut mesurer l'empreinte eau d'un individu, d'une ville ou encore d'un pays.

Comment calculer la quantité d'eau virtuelle nécessaire à produire un plat ?

Depuis l'apparition du terme eau virtuelle, de nombreuses recherches ont été menées pour calculer la quantité d'eau dont un produit ou un service a besoin. Aujourd'hui, il est possible de mesurer soi-même l'eau virtuelle d'un aliment en particulier, en utilisant des outils simples en ligne. Le site WaterFootprint.org, notamment, met en place une galerie interactive qui vous indique le volume d'eau utilisé dans chaque aliment.

En général, l'eau virtuelle s'exprime en litres par kg. Ainsi, pour un kg de boeuf, vous saurez exactement combien d'eau virtuelle vous consommez. Pour une quantité d'aliment spécifique, il vous faudra effectuer une conversion. Par exemple, si l'eau virtuelle d'1 kg de pain est 1608 L/kg, mais que vous souhaitez calculer l'eau virtuelle d'une tranche de pain, effectuez la conversion suivante :

Masse du produit en kg X Eau virtuelle en L/kg

Ainsi, si une tranche de pain fait 50 g (0,05 kg), sa quantité d'eau virtuelle est de 80.4 L (1608 X 0,05).